L’étude qui suit fut rédigée dans le courant du mois de septembre 1940. Conçue à l’intention des amis qui soutiennent et encouragent depuis près de quatre ans les activités du Centre d’études créé par l’Agence “Inter-France”, elle n’était pas en principe destinée au public.
La plupart de ces amis me pressèrent de la faire éditer, ne serait-ce, disaient-ils, qu’afin d’éclairer utilement nombre de gens, troublés par la soudaineté, par la totalité du désstre militaire français.
Je m’y étais refusé jusqu’ici, pour des raisons d’opportunité. Les impressions ressenties étaient encore trop diverses, trop contradictoires, trops récentes, trop douloureuses aussi dans l’esprit et le coeur des meilleurs de mes compatriotes pour qu’il ne me déplût pas de leur fournir de surcroît un prétexte à controverses passionnées.
Depuis lors, les mois ont passé conférant aux jugements ce calme qui seul leur permet de se dégager avec toute la clarté souhaitable des brumes du sentiment.
Aussi les scupules qui m’avaient fait écarter l’idée de publier ce petit livre ses sont-ils évanouis.
Je n’hésite donc plus à céder aux sollicitations que l’on a bien voulu me faire.
Je prie seulement le lecteur d’abandonner tout espoir de découvrir entre les lignes de mon texte la moindre allusion critique secrète dirigée contre qui que se soit.
Ce texte se charge d’exprimer toute ma pensée, sans nul sous-entendu, et s’il s’y trouve quelque chose de désobligeant, ce ne peut être que dans la stricte relation des faits.
Cet opuscule est écrit selon la règle que nous nous sommes imposée à “Inter-France” de regarder les choses en face et de ne riendire qui ne soit d’une entière probité spirituelle. Il laisse de côté les questions de personnes et rend hommage à l’honnêteté professionnelle du Commandement. Ce qu’il reproche, par contre, à ce Commandement c’est de n’avoir pas su se libérer d’une certaine façon de voir qui s’accordait au laisser aller général des Français, et risquait de vouer le pays à la plus terrible des catastrophes.
Le dénouement de la tragédie ne l’a que trop prouvé.
Je me suis borné à tirer des évènements les conclusions logiques qui s’imposaient.
Un jour, peut-être, des écrivains militaires en jugeront-ils différemment et s’efforceront-ils de fournir une autre interprétation de ces mêmes évènements. Ils tâcheront d’établir, par exemple, que nos armées ont joué de malheur, ou s’évertueront à prouver qu’il s’en est fallu d’un rien qu’elles ne remportassent sur la Somme et sur l’Aisne une troisième “victoire de la Marne”. Il y a tant de façons d’écrire l’Histoire ou de choisir et d’utiliser les documents !
Je ne crois pas, toutefois, que ces écrivains puissent réussir à dénaturer complètement la réalité.
Si, pour la première fois dans les annales de notre Patrie, le destin s’est prononcé contre nos soldats avec la brutalité que l’on sait, sans même laisser à leur juste orgueil la consolation d’avoir remporté un seul grand succès partiel, c’est bien en raison des causes profondes que j’ai essayé d’exposer ci-après, en toute objectivité et en toute impartialité.
M.A.
Publications du Centre d’études de l’agence “Inter-France” – 1940
Bon état général sauf nom et prénom inscrit sur la couverture