A l’époque où advint ce que je vais vous raconter, le quartier de la soie à Lyon était à peu près ce qu’il est aujourd’hui (1933). De hautes maisons couleur d’averse et d’avarice y traçaient déjà ce gluant labyrinthe où, pour mieux se cacher, la fortune emprunte le visage de la misère.
Chez nous, rien ne change, ni le ciel, ni la pierre, ni les âmes.
Sur les pavés toujours gras, qui semblent renvoyer au ciel plus de clarté qu’ils n’en reçoivent, le jour tombe à plomb comme une pluie de cendres. Sans relâhce, un relent de latrines, s’exhale des cours et des impasses, où les gens glissent en silence, comme des noyés. C’est le Griffon. C’est le quartier des millionnaires.
L’étranger que l’aventure égare en ces lieux se demande s’il ne rêve point. Il se frotte les yeux, il se bouche le nez : “Quoi ! les plus riches commerçants de la terre vivraient là, dans cette ombre et ces odeurs ? Ils y vivent. Et ils y meurent.”….
Début du premier chapitre
Les Editions de France – 1933