… Entre 1914 et 1918, j’ai soigné plusieurs milliers de soldats français et j’ai conté leur histoire pour être sûr non seulement de la faire connaître mais encore de pas l’oublier moi-même, pour conserver pieusement un vestige de tant de souffrances. La plupart de ces hommes avaient des blessures dont certaines étaient mortelles et dont d’autres étaient mutilantes. Braves au combat, ces hommes se sont montrés admirables dans la lente et morne épreuve de l’ambulance et des hôpitaux. A les voir souffrir sur leurs lits de douleur, j’ai compris la grandeur de ma patrie et je lui ai voué une confiance qui ne s’est jamais démentie, même au plus sombre de l’angoisse.
Pendant le dramatique printemps de l’année 1940, j’ai, de nouveau, soigné des blessés français. Ce n’étaient point des soldats, c’étaient des femmes, des enfants, des vieillars touchés sur les grandes routes, pendant leur fuite, par des éclats de bombes ou le feu de l’artillerie. Je craignais au commencement, de ne plus retrouver, dans ces foules misérables, trace des vertus que j’avais tant admirées pendant la première guerre mondiale…
… Et comme la France a été longtemps la plus hospitalière de toutes les terres occidentales, c’est avec une douce voix étrangère, à la voix de Thérèse d’Avila, que je vais au terme de cet hymne d’amour et de pitié, confier la dernière parole. Elle est très belle et se dit ainsi en français :
“Quand même je n’espérerais pas ce que j’espère, je n’en aimerais pas moins autant que j’aime.”
Hachette – 1944