Ouvrage illustré de gravures hors texte.
Appelé, presque à la fin d’une carrière scientifique déjà bien longue, résumé en un tableau forcément sommaire, des phases successives du passé de ma terre natale, je ne me dissimule pas à l’extrême difficulté de cette tâche. La plaine qui s’étend entre les Vosges et le rein, ne constitua jamais, à vrai dire, une unité politique, et sa situation géographique l’exposa, davantage, aux entreprises des groupements qui se formaient autour d’elle, cela disputant âprement et englobant tour à tour dans leurs frontières, qui reculent ou s’avance à travers les siècles, sans se fixer jamais.
Le cadre adopté pour cette collection d’histoires provinciales exclut, on le sait, tout appareil scientifique et tout renvoie aux sources de détail. J’espère néanmoins que le lecteur attentif et compétent se rendra compte de la ferme volonté de l’auteur de n’admettre dans son récit que des données certaines des affirmations légitimées par les fêtes. Écrivant pour le lecteur français, j’ai tout naturellement accordé une place considérable l’histoire des deux derniers siècles la période infiniment plus longue du Moyen Âge et du XVIe siècle, sa vie dans les cadres du Saint empire romain. Mais je n’ai pas eu à faire le moindre effort pour me montrer impartial et même sympathique à ce passé lointain qui lui sa grandeur et sa beauté. Seulement j’ai dû retracer avec la même fidélité, avec une sympathie personnelle plus vive peut-être, le tableau si curieux de la formation d’une Alsace nouvelle, qui s’annoncent à peine dans le dernier tiers du XVIIe siècle, qui se poursuit, obscurément d’abord, puis de plus en plus visibles, à travers les générations du siècle suivant, il se produit enfin, d’une manière évidente pour tous, après le grand mouvement de 1789. La révolution, ici plus qu’ailleurs, bouleversé renverse tout, les idées, les institutions et les mœurs ; elle associe d’une façon toujours plus intime, à travers des crises aiguës, et d’immenses souffrances, la vieille Alsace et la France renouvelée. Notre province a eu sa part – une part glorieuse – aux longues guerres, aux victoires comme aux défaites, de la république et de l’empire, et dans ces souvenirs heureux comment ces épreuves communes, s’est attaché à la France un lien si solide de génération, plus heureuse que la nôtre, ont pu le croire indestructible.
Bien des critiques justifiées seront adressées sans doute à ce modeste travail. Mais, en déposant la plus, je demande la permission de répéter encore une fois que s’il doit le jour l’affection profonde pour la terre natale, à l’amour de la grande patrie, il s’est inspiré avant tout du culte de la vérité historique. Ce culte s’impose à tous ceux qui veulent raconter le passé, et je n’ai cessé de professer, pour ma part, depuis plus d’un demi-siècle que j’écris.
Juillet 1912
Ancienne Librairie Furne – Boivin & Cie – 1925
Couverture décolée