Vie de Monsieur l’Abbé A. Gapp, fondateur de la Congrégation des Soeurs de la Providence de Saint-André et Histoire de l’Institut jusqu’à nos jours.
Des pierres taillées par le ciseau salutaire… composent cet édifice.
Etroitement unies ensemble, elles s’élèvent jusqu’au faîte.
Hymne de la Dédicace
Dans les allées du jardin, sur les sentiers de la promenade, partout, des regards obstinément fixés au sol.
Frappés par tant de modestie et encouragés d’ailleurs par une franche cordialité qui lui gagnait tous les coeurs, ses confrères du grand séminaire se prirent à plaisanter à propos de cette prétendue “timidité”. L’abbé Antoine Gapp – car c’était bien lui – évidemment devait “compter les pierres”.. – “Non, répondit-il, mais je cherche celles qui sont propres à bâtir le couvent que je dois fonder un jour. “
Dès le grand séminaire, voilà donc le sujet de ses méditations, l’objet de ses prières, le voeu ardent que son coeur aspirait à réaliser.
Encore sur le seuil du sanctuaire, avant même d’avoir pu gravir les degrés de l’autel; dans son âme d’apôtre – émue à la vue de l’ignorance religieuse créée par la grande Révolution, et de ses conséquences dans les campagnes où un souffle athée essayait d’éteindre toute croyance – cet appel mystérieux se précisait : “Oui, il cherchera les pierres et construira l’humble berceau des Soeurs de la Providence. “
Ce ne fut d’abord qu’un voeu… Mais ce voeu, il le confia au Seigneur le jour où, étendu sur les dalles du sanctuaire, il fit à Dieu le sacrifice de sa vie et lui dédia en hommage solennel et irrévocable chacune des aspirations de son coeur.
Ce voeu, il le déposa sur la patène le jour de sa première messe.
Et ce voeu, le Seigneur l’agréa et lui-même désigna les pierres…
Pierres des confins de Lorraine, assemblées sans art dans l’humble chaumière des premières Soeurs.
Grès des Vosges, heureux d’apporter un peu de solidité aux constructions primitives.
Meulières des carrières de Moselle, choisies pour bâtir la maison-mère et sa magnifique chapelle.
Et le couvent sortit de terre.
Mais le Seigneur désigna d’autres pierres encore : pierres résistantes comme le schiste des Ardennes belges, solides comme celles du donjon de Chinon…
Puis ce furent les pierres de Bourgogne qui, habituées au chant des psaumes des anciens moines bénédictions, se trouvaient toutes désignées pour reconstruire l’antique abbaye, dont les voûtes devaient résonner aux accents des chants liturgiques, repris par les humbles Filles de la Providence.
Et le Seigneur voulut encore désigner d’autres pierres.
Granit du Puy-de-Dôme ; rocs volcaniques du Cantal : falaises crayeuses de la Champagne ; pierres des Collines où Geneviève avait veillé sur Paris et pierres du centre de la grande capitale à l’ombre de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle ; humbles cailloux lavés, rabotés, striés par le Rhône et ses affluents ; pierres dures des cimes enneignées détachées d’une aiguille des Alpes ou sorties des rochers pyrénéens ; pierres de la Gironde ou du Gave inondées de lumière, et jusqu’au sables d’Afrique, brûlants sous le soleil tropical…
Tout dut contribuer au grand oeuvre : “Construire le couvent”, le couvent qu’avait entrevu en 1785 le vénéré fondateur.
Et le couvent fut construit.
Et deux fois déjà, le couvent fut reconstruit.
Et dans ce couvent, chacune de ces pierres parle de celui qui avait conçu le rêve de les chercher et de les réunir…
Une soeur de la Providence
P. Lethielleux – Paris – 1957