A bord d’un baleinier
1875-1878
Lorsque La Croisière du Cachalot paraît en Angleterre, en 1898, Rudyard Kipling, qui n’a pas le compliment facile, écrit à l’auteur : “Ce livre est immense. Il n’y a pas d’autre mot ! Je n’ai jamais rien lu qui puisse se comparer à votre récit. Aux descriptions qu’il donne des merveilles et des mystères de l’océan !” Le fait est qu’après Moby Dick d’Herman Melville, le récit de frank Bullen demeure le plus beau et le plus fort témoignage que la littérature nous ait livré sur cette forme de pêche mythique où se concentre toute l’horreur et toute la grandeur du monde.
On serait bien en peine de résumer ici les cent épisodes de cette odyssée brutale : un tour du monde de quarante trois mois qui nous promène quasi d’un pôle à l’autre, avec quelqusds escales dans les parages les moins frayés des mers du Sud. Mais par-delà tant de lieux traversés, dont nous sont décrites les beautés et surtour la sauvage étrangeté, c’est la vied de ces hommes fascinés par la poursuite des monstres marins qui nous captive et nous touche.
Baleines franches, baleines à bosse, cachalots… Frank Bullen nous décrit, jour après jour, le détail minutieux de ces pêches monstrueuses, au cours desquelles de pauvres hères risquent – et, souvent, perdent – leur vie à la poursuite d’un rêve plus grand qu’eux. Rien d’exalté pourtant dans cette évocation précise des “risques du métier”. Comme Garneray jadis nous, Bullen est un conteur qui ne s’en laisse pas conter : le parler vrai, tout imbibé d’eau salée et de fortes senteurs marines, lui paraît toujours préférable au beau délire. Raison pour laquelle son livre, paradoxalement, et après un siècle d’usage, parle encore si fort à notre imagination.
Editions Phebus – 1989