L’Oeuvre Complète de Léon Bloy
1846 1917
Je m’accuse…
Suivi de
Léon Bloy devant les Cochons
Lamentation de l’Epée
Sur la tombe de Huysmans
Les Funérailles du Naturalisme
Fragments sur Barbey d’Aurevilly
Décidément je ne m’accuse plus. En 1900, j’invitais Emile à crever les plus tôt possible. Il me fit attendre deux ans, et rendit enfin sa belle âme dans les déjections de ses chiens, le jour même de la Saint Michel, le 29 septembre 1902.
Cette mort glorieuse, anonncée par moi, me valut l’absolution de la faute ancienne avouée humblement à la premièe page de ce live.
Aujourd’hui, que pourrais-je dire ? On m’assure qu’il y a des gens qui lisent encore un peu le Crétin, au fond des provinces, dans les fjords de Norvège ou dans les pampas d’Argentine. Cela se peut, l’idiotie humaine étant insonddable. A Paris, ses merdeux romans se vendent au poids.
Il est permis, toutefois, de déplorer que ce lécheur des émonctoires démocratiques n’ait pas été académicien. Il eût été singulièrement décoratif sous la cCoupole, en compagnie des Donnay, des Rostand, des Bourget, des Hanotaux et autres numéros de cette prestance. Mais sa charogne est au Panthéon et voilà ce qui enfonce tous les confrères.
Cependant il a un autre privilège, plus rare, qui ne semble pas avoir été suffisamment remarqué.
Le buste d’Emile, inauguré à Suresnes en 1908, avec fracas, aurait été fait du bronze des cloches de l’église désaffectée et dépouillée ! Quel mortel obtint jamais pareil honneur ?
Ce pauvre bronze, autrefois béni pour appeler les hommes à la prière et pour écarter la foudre, transformé par force en un simulacre de la Bêtise et de l’Infamnie !
Et voilà donc l’emploi que vous faites, vivants,
De moi, l’airain, vous, cendre épases aux quatres vents !
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En sorte que le bronze éternise la boue.
a dit Victor Hugo, dans sa Colère du Bronze, pièce d’ailleurs fort ennuyeuse.
Mais le Poète n’avait en vue que le bronze des faux grands hommes. C’est bien autre chose ici. Je ne voudrais pas passer, à minuit, devant le bronze béni de cette crapule.
Léon Bloy
Exemplaire numéroté n° 1732
Typographie François Bernouard – Au Cinq de la Rue Séguier – A Paris
Bel exemplaire non coupé