Récit
J’entamai mon premier virage presque aussitôt après que j’eus arraché l’avion au sol encore craquelé par l’été, et je grimpai autour du terrain en larges spirales, l’aile gauche fortement inclinée vers le bas. Je pouvais ainsi surveiller aisément le décollage de mon équipier, qui avait quelques minutes de retard sur moi et que j’attendais.
Son avion était encore arrêté près des hangars, déjà braqué vers l’extrémité de la piste. Un double ruisseau de vent s’échappait des moteurs, ondulait de part et d’autre du fuselage, puis soulevait majestueusement plus loin un panache de poussière rousse, semblable à la queue d’un écureuil. Enfin je le vis s’ébranler doucement, rouler de plus en plus vite, en soufflant derrière lui un rouleau de sable jaune qui s’évanouit soudain lorsque l’avion se sépara de son ombre. Je réduisis les gaz et m’installai, en vol horizontal, sur le cap ouest. Quelques instants après, mon équipier me rejoignit et je lui adresse un petit geste de la main…
Gallimard – 1948