Edité avec un bois gravé par Arsène Brivot
Au moment où Jérôme entra, rue de Vaugirard, dans la chapelle des Carmes, l’office du Samedi Saint était commencé. Comme tous les ans, la veille de Pâques, on y faisait l’ordination des clercs. Devant le tabernacle, se tenait agenouillé, en chape violette, avec ses assistants, un majestueux évêque dont un acolyte portait la crosse. Les surplis des prêtres emplissaient le choeur ; des têtes chauves brillaient sous le soleil qui pénétrait, à droite, par le vitrail du transept.
Les yeux de Jérôme ne se tendirent qu’une minute vers l’autel. Au milieu de la nef, la double rangée des ordinands formait en demi-cercle une couronne d’aubes et de cierges, le long d’un tapis où solennellement, s’avancèrent ceux qui allaient être ordonnés, les uns sous-diacres, les autres diacres, quelques-uns, prêtres. Ils se mirent à genoux, puis, les mains croisées sous leur front, ils s’allongèrent, demeurèrent immobiles. Le clergé avait entonné les litanies des Saints ; l’Eglise triomphante s’entendait appeler à soutenir de sa puissance l’infirmité des médiateurs terrestres. Eux, avant de se lier par les rites irrévocables, ils signifiaient leur volonté de mourir à tout ce qui n’était pas Dieu ; ils restaient couchés là, pareils à des cadavres, comme de grands lys foudroyés…
Il songea :
– Si Montcalm était ici…
Montcalm, son aîné de deux ans, un camarade tué à la guerre, cinq mois avant la fin ; une de ces amitiés que le silence de la mort approfondit !…
Grasset – 1926